Dans ce portrait, nous avons échangé avec Rafaëlle, conservatrice-restauratrice, qui restaure actuellement la peinture murale au premier étage de la Tréso, au sein d'une équipe de dix conservateurs-restaurateurs indépendants.
- Qui êtes-vous? Comment fonctionnez-vous ?
Nous sommes une équipe de dix personnes qui nous sommes regroupées pour répondre à cette demande*. Il faut savoir que 75-80 % des restaurateurs sont indépendants, et donc on constitue des équipes en fonction des compétences demandées sur un projet.
Ici, quatre personnes sont chargées du support (les toiles), et six travaillent sur la couche picturale (la peinture en elle-même). Cela nécessite donc une organisation et un planning très précis (avec des contraintes d’espaces et de matières, mouvements des échafaudages dans l’espace … à intégrer).
Nous pouvons travailler sur des tailles de support très divers, allant de la taille carte postale à du monumental de l’intérieur d’une église.
*En juillet dernier, une autre restauratrice est venue faire des recherches et donner un état général de la peinture ce qui a permis de budgéter la restauration, pour que la mairie puisse émettre le marché public.
- Rafaëlle, pourquoi as-tu choisi ce métier, comment est-ce que tu fonctionnes ?
Dès mes 15 ans, je savais que je voulais choisir ce métier car ça alliait l’art et la science.
C’était le métier de mes rêves, à la fois manuel et intellectuel. Mais en peinture la concurrence est très rude, nous devons passer par de nombreuses étapes, la plupart d’entre nous ont d’autres diplômes avant.
Il n’y a pas de postes dans les musées (hormis de rares exceptions). Au Louvre, il n’y a pas de restaurateurs, même si la nécessité est réelle pour le suivi des oeuvres dans les musées ! Le choix du statut d’indépendant découle donc de cette réalité.
En fonction des périodes, il y a des phases de travail en collectif, d’autres plus solitaires. L’émulation du collectif est très enrichissante, et le fait d’être seule est aussi très agréable et facilite le calme et la concentration. Cet équilibre est tout de même long à comprendre et à trouver.
- Pourquoi êtes-vous venus à la Tréso ?
Nous faisons de la veille de marché public, et il se trouve que ce marché est assez proche de plusieurs membres de l’équipe et c’est aussi le type d’oeuvre - moderne (années 40)- et le créneau sur lequel on se positionne. C’est un style particulièrement intéressant à travailler en monumental.
Au départ, nous devons produire une note méthodologique, dans laquelle nous montrons que l’on est venus voir la peinture, qu’on l’a comprise. Nous proposons ensuite des solutions techniques pour la restaurer, avec un chiffrage du coût.
- Qu’est-ce qui vous plaît dans ce projet ?
Dans notre métier, nous créons de nouvelles solutions adaptées à chaque oeuvre, donc à partir de ce moment où il faut être créatif, c’est mieux d’être plusieurs.
Cette restauration est particulièrement difficile: l’oeuvre des années 40 est une peinture à l’huile sur toile marouflée sur mur, la toile n’a pas été préparé donc elle est particulièrement absorbante, et l’huile est jeune (il faut 80 ans à l’huile pour sécher!). Elle est donc encore capable de réagir aux modifications apportées. D’autant plus qu’elle n’est pas vernie, ce qui pose des problèmes pour la retouche. Il a donc fallu trouver des solutions pour des retouches rapides à mettre en oeuvre et esthétiquement présentables, un véritable exercice d’inventivité collective !
Il y a eu deux phases de tests, avec décrassage et retouches pour savoir quels matériaux utiliser. Nous utilisons toujours des matériaux différents, par exemple nous ne pouvons pas retoucher de l’huile avec de l’huile.
Nous avons eues des difficultés, pour les tests, avec de longues heures à essayer de multiples solutions, mais nous avons réussi.
- Pour vous "tiers-lieu" rime avec… ?
Partage et convivialité
Sur ce chantier, nous sommes arrivés en équipe, mais la moitié des gens ne se connaissaient pas. Nous nous sommes découverts. Pour nous ce lieu c’est aussi ça, un lieu où on se découvre ! Et c’est une expérience qu’on ne vit pas sur tous les chantiers !